
"Le maillot n'appartient à personne"
Dans cette logique, chaque joueur qui porte un maillot ne fait que l'emprunter, sans se l'accaparer. "Le maillot de l'équipe nationale n'appartient à personne, nominativement", estime Dimitri Yachvili, ancien international tricolore, qui a porté le maillot bleu (sans flocage) à 61 reprises. Mais derrière le poids de la tradition, d'autres raisons logistiques et économiques pouvaient aussi expliquer l'absence de flocage. Contrairement à d'autres sports collectifs comme le football ou le basket, où les joueurs portent (presque) toujours le même maillot défini en amont, au rugby, le numéro dépend du poste du joueur titulaire.
"En rugby, la réutilisation des maillots d’un match à l’autre est plus démocratisé que dans le football, cela permet notamment de réduire les coûts et de limiter les problématiques de flocage", abonde Nicolas Jouvenne, responsable sponsoring chez Kappa, équipementier de l'UBB et du Stade Français. "Les clubs de rugby utilisent donc globalement moins de maillots pros qu’en foot, même si cela peut évoluer selon la signature des contrats sponsoring avec l’équipementier et ses autres sponsors maillots." De quoi longtemps limiter le spectre du flocage des maillots à des initiatives isolées de certaines sélections, comme le pays de Galles en 2008.
Ouvrir le rugby à un autre public
En ce début d'année 2024, le Tournoi des six nations a donc rompu avec cette tradition en généralisant le flocage du nom de famille du joueur juste au-dessus du numéro. Une décision des instances motivée par la volonté de continuer le développement et la démocratisation du rugby, selon le quotidien britannique The Daily Telegraph, qui a rapporté l'information en premier. Le flocage doit permettre une plus grande identification aux joueurs, de la part d'un public de plus en plus large, tout comme la série diffusée par Netflix, Full , en immersion dans l'édition 2023 du Tournoi. "Si le rugby veut s'ouvrir à un public plus large et moins connaisseur, avoir le nom des joueurs dans le dos permet à ce public de mieux connaître les acteurs", avait is Jean-Marc Lhermet, vice-président de la Fédération française de rugby, à RMC pendant la Coupe du monde. La fédération anglaise, qui avait tenté l'expérience pour la première fois lors de la tournée d'automne 2022, l'avait justifiée par le "potentiel de rapprocher les fans des stars internationales" et de "promouvoir les joueurs anglais de classe mondiale".Le troisième ligne, qui s'est depuis blessé à une cuisse, précisait que cela lui était "complètement égal" qu'il y ait les noms ou pas sur les maillots du XV de . Mais, à plus grande échelle, le sentiment n'est pas forcément partagé par tous les joueurs. "Je préfère le côté impersonnel des numéros, que les individualités ne soient pas trop mises en avant par rapport à l'équipe", avait ainsi déclaré le joueur du Racing 92 Maxime Baudonne à L'Equipe en novembre 2022. "C'est d'actualité, c'est l'image, estime Dimitri Yachvili. D'un côté, je me dis que ce maillot n'appartient à personne. Mais d'un autre côté, pendant quatre-vingts minutes, les joueurs vont le porter." Ils ont désormais leur nom pour le rappeler."Si ça fait plaisir et que ça peut aider, autant le faire. C'est très bien de développer le rugby, il faut que ce soit fait intelligemment et dans de bonnes conditions."
Grégory Alldritt, capitaine du XV deen conférence de presse avant le match -Irlande